Pourquoi travailler?
- laplumeensanglots
- 11 juin 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 sept. 2021
Il y a bien longtemps, au bord du bon fleuve Etô, était le petit village Dové. La terre y était très fertile et bien irriguée par les eaux du fleuve.

Si bien que le bétail broutait seul dans les pâturages verdoyants. Mais les habitants de Dové avaient horreur du travail surtout les hommes. Le peu de travail nécessaire à la survie immédiate était laissé à la charge des femmes et les hommes, quant à eux ne faisaient que paresser et boire tout le long de la journée.
Un jour arriva au pays de Dové, Wodor l'étranger. Il ne s'occupait de personne, ne cherchait à avoir d'amis et ne dérangeait personne.
Il s'y construisit une très belle maison spacieuse et travaillait sans relâche du matin au soir.
Ce comportement travailleur de Wodor finirent bien entendu par déranger certains, non pas parce qu'il avait pris la terre sans en demander la permission car il y avait assez de place pour tout le monde, ni parce qu'il chassait et pêchait car il y avait assez de gibiers dans la forêt et de poissons dans le fleuve. C'était son attachement au travail qui ennuyait les dovétors -habitants de Dové-, ainsi on le surnomma Edowotor (travailleur).
Wodor devint ainsi très vite la risée des villageois qui à force de se moquer de lui finirent par le détester. De leurs bouches on pouvait entendre: curieux personnage celui là, il ne parle à personne et ne fait que travailler, on ne peut rien n'attendre de bon d'un tel individu.
Pour mettre fin à tout ça, ils organisèrent un grand rassemblement auquel ils invitèrent Edowotor l'étranger. À cette occasion, le sorcier du village prit la parole et s'adressa à l'assemblée en ces mots:
- Depuis peu, un étranger s'est installé dans nos contrées. Il ne salue personne et ne parle avec personne. Il s'est construit une maison, cultive notre terre, chasse dans notre forêt et pêche dans notre fleuve. Au dessus de tout, il travaille sans relâche. Hors le travail n'est pas l'affaire des hommes. Les femmes sont là pour cela. Cet étranger introduit de nouveaux moeurs chez nous offensant le bon fleuve qui nous nourrit. Qu'allons-nous faire de lui?
Tous se mirent à crier:
- Qu'il s'en aille! qu'il s'en aille! Nous ne voulons pas de lui parmi nous. Qu'il s'en aille!".
Calmement, Wodor prit la parole en ces mots:
- Ecoutez ce que j'ai à vous dire peuple de Dové. Avant que je m'installe parmi vous, m'est apparu en rêve l'Être Supérieur me demandant d'aller à votre encontre et de vous apprendre le travail et sa valeur. Vous êtes feignants et votre paresse finira par vous mener à votre fin. Ma mission est de vous aider à éviter cela.
- Non non, pars d'ici, nous ne voulons pas de toi, menteur, pars d'ici, pars d'ici. Hurla l'assemblée exaspérée.
- Je vois que vous courez à votre perte. Conclut Wodor.
Et il quitta le petit village du bon fleuve Etô.
Pendant longtemps, on entendit plus parler de lui. Un jour cependant, des gens qui redescendaient le fleuve, revinrent avec des nouvelles de Wodor. Après s'être installé en aval avec des femmes qui avaient bien accepté de l'accompagner, ils charriaient de lourdes pierres et des troncs d'arbre pour les précipiter dans le fleuve à l'endroit où il était le plus étroit. En apprenant cela, les feignants dovétors rirent de bon coeur disant : Edowotor est devenu fou, le travail lui a ôté la raison.
Ils ne rirent pas bien longtemps. La saison de pluie vint et le fleuve commença par déborder. Habituellement, à chaque saison des pluies, l'eau montait dans le fleuve, inondait les environs et s'en retournait dans son lit laissant derrière lui un limon très fertilfois ci, l'eau ne baissait pas.

Tout au contraire, l'inondation progressait détruisant sur son passage les maisons, tuant Hommes et bétails.
C'était seulement à cet instant qu'ils comprirent que Wodor s'était vengé en construisant un barrage sur le fleuve avec ses femmes. Barrage qui transformait la vallée en un granc lac.
Désespérée, la population de Dové fuit l'inondation dans la forêt. Et une fois passée la saison des pluies, elle revint dans la vallée pour y reconstruire de nouvelles cases, labourer de nouveaux champs et élever de nouveaux troupeaux.
En voyant à leur retour tout ce qu'avait accompli Wodor et ses femmes en aval, les hommes les plus sages commençaient à comprendre que pour Edowotor, il ne s'agissait pas de vengeance. En réalité, il les avaient sauvé en accomplissant le voeu de l'Être Suprême qui était de leur apprendre à travailler. Ainsi les hommes qui vivaient sur le lac qui s'était formé du jadis bon fleuve cessèrent de paresser et devinrent travailleurs. Depuis ce temps, le peuple de cette contrée vénèrent Edowotor. Ils lui firent des offrandes et l'appellent au secours le cas échéant comme s'il était un dieu. Ils renommèrent leur village de Dové en Edô.
Comme le dit l'adage togolais,
Édô yé gni amé (C'est le travail qui fait l'homme)
Credits : Proverbes africains, Jeufzone (https://jeufzone.com/)
Très joli texte. Merci pour le partage